Les négociations à Durban devraient au moins aboutir à la mise en place d’un processus permettant aux pays de rendre compte de leurs actions de manière transparente et fiable. Reste à savoir si les gouvernements s’appuieront sur le rôle crucial des ONG pour assurer cette supervision.
La transparence opaque…
Les négociations à Durban devraient au moins aboutir à la mise en place d'un processus permettant aux pays de rendre compte de leurs actions de manière transparente et fiable. L’une des questions à suivre au cours des deux derniers jours de la COP17 sera donc de savoir si les gouvernements s'appuieront sur le rôle crucial des ONG pour assurer cette supervision.
Les accords de Copenhague de 2009 comprennent des engagements nationaux de réduction des émissions pour toutes les grandes économies, aussi bien les pays développés que ceux en développement. Ces engagements ont été confirmés dans l'accord de Cancún l’an passé. Cette approche, appelée «bottom-up» en anglais (partant de la base), repose sur le fait que chaque pays décide de son propre objectif de manière indépendante. Dans un tel scénario, le cadre international n’apporte de valeur ajoutée que dans la mesure où il permet de vérifier de manière crédible et transparente l'adéquation des politiques nationales.
Cette supervision est particulièrement importante puisqu’elle limite la possibilité pour les pays de s'engager dans un premier temps, puis de bafouer les promesses prises sans avoir à rendre des comptes (le Canada faisant une démonstration navrante d’une telle politique en ce moment). Mais pour qu'elle soit véritablement efficace, encore faut-il que cette supervision soit basée sur des informations fiables et sur un processus transparent. Les négociateurs travaillent donc actuellement sur la définition d'un mécanisme de surveillance, notification et vérification (dit "MRV") des actions climatiques. Celui-ci pourrait s'appliquer à la fois aux politiques de réduction des émissions qu'à d'autres aspects des politiques climatiques. On peut par exemple le lier aux questions de transferts de financements.
L'objectif principal de ce processus sera de s'assurer que toutes les parties suivent des règles communes lorsqu'ils notifient les actions qu'ils ont prises, et d'examiner ces rapports au niveau international. Un des éléments clés qui restent à trancher dans les détails de ce cadre MRV a trait au rôle joué par les ONG. Les gouvernements envisagent-ils une supervision qui n’impliquerait que des experts qu'ils nommeraient eux-mêmes, et sans accès à l'information pour le grand public ? Ou sont-ils prêts à se servir de l'expertise de la société civile et des acteurs nationaux?
L'expérience et l'expertise des ONG
L'expérience des institutions travaillant à la protection des droits de l'homme souligne non seulement la faisabilité d'une plus grande implication des ONG dans un mécanisme de supervision internationale, mais aussi, pour la crédibilité de ce dernier, la nécessité de cette implication. Au sein du Conseil des Droits de l'Homme, par exemple, la présentation des rapports nationaux est suivie de questions posées à la fois par des pays tiers mais aussi par des ONG. Pour des raisons politiques, les pays tiers se réfrènent parfois de soulever un problème pourtant porté à leur connaissance ; la présence des ONG permet donc de faire en sorte que des questions plus dérangeantes soient soulevées et débattues. En outre, dans de nombreux cas, les organisations nationales ont une bien meilleure compréhension des circonstances nationales que les pays tiers. Leur expertise est donc essentielle pour évaluer l'exhaustivité et l'exactitude des rapports nationaux.
Dans cette dernière ligne droite avant la conclusion de la conférence de Durban, il semble que les délégués négociant un accord sur la question "MRV" sont en passe de développer un nouveau concept : la transparence opaque. À l’heure à laquelle j'écris, les dernières versions des textes sensés promouvoir la transparence internationale par le biais du cadre "MRV" ne comportent pas, paradoxalement, de dispositions permettant un réel accès aux rapports pour le public, ni d'opportunités adéquates pour les ONG d'intervenir dans la supervision de ces rapports. Les négociateurs ont encore deux jours pour améliorer ce texte et garantir l'accès du processus aux ONG afin que celles-ci puissent contribuer à assurer une véritable transparence dans la supervision des politiques nationales sur le climat.
Sébastien Duyck