Pendant que la France tente de s'initier à la transition énergétique, avec un projet de loi débattu en ce moment-même à l'Assemblée nationale, la question sur l'exploitation du gaz de schiste réapparait. Et tandis que certains louent son efficience économique, il convient de creuser un peu plus le sujet pour tenter de délimiter le faux du vrai.
C'est un fait. Les Français sont contre le gaz de schiste sur le territoire national. D'après un sondage BVA publié le jeudi 2 octobre, 62 % se déclarent « plutôt » ou « tout à fait opposés » à son exploitation. La question ainsi posée aux Français intervient tandis que Nicolas Sarkozy, de retour aux affaires politiques depuis fin septembre, s'est déclaré pour lors d'un meeting dans le Nord. Se sentant pris de court, le gouvernement, par la voix de sa ministre de l'écologie Ségolène Royal, a réaffirmé sa position en déclarant qu'il n'y aurait pas d'exploitation ni même d'investigation sur le sujet.
Un clivage politique plutôt clair
Le positionnement pour ou contre l'extraction du gaz de schiste respecte en effet plus ou moins le clivage gauche-droite en France. Du côté des sympathisants de gauche, la question est ainsi tranchée : 80 % d'entre eux sont résolument contre l'exploitation. En revanche, côté sympathisants de droite, la question continue d'être nourrie d'une dose d'incertitude : seuls 51 % se déclarent pour le gaz de schiste.
Mais la position des socialistes, apparemment ferme et définitive, n'a pas toujours été unanime. Tandis que le rapport Gallois sur la compétitivité affirme en novembre 2012 que « La France pourrait prendre l'initiative de proposer avec l'Allemagne... un programme sur le gaz de schiste», le ministre du redressement productif d'alors, Arnaud Montebourg, réitère des propos tenus quelques mois plus tôt et incite la France à « mettre ces questions sur la table ». Devant le tollé provoqué dans les rangs écologistes – Jean-Vincent Placé évoquant notamment le risque de « fracture dans la majorité » –, Jean-Marc Ayrault et François Hollande rappellent la position qui est celle du gouvernement sur le sujet : l'interdiction pure et simple de l'extraction du gaz de schiste.
De la même manière, à droite, en se positionnant pour l'exploitation de ce gaz, si Nicolas Sarkozy observe la volonté majoritaire de son courant politique, il effectue cependant un véritable revirement en la matière. C'est en effet sous sa présidence que l'extraction du gaz de schiste avait été interdite. Les raisons d'un tel changement de cap ? L'exemple des Etats-Unis, « devenus, du point de vue de l'énergie, indépendants grâce au gaz de schiste » selon le candidat déclaré à la présidence de l'UMP. C'est en partie faux. Si l'Agence internationale de l'Energie (AIE) a effectivement affirmé que les Américains étaient « sur la voie de l'autosuffisance énergétique », celle-ci est due en majeure partie au pétrole. Poursuivant sur le gaz de schiste, l'AIE d'affirmer que la production n'était plus aussi importante qu'au début.
Un bilan coût-avantage négatif
Mais il est logique que M. Sarkozy ait passé sous silence cet aspect de la question. Cependant elle se pose tout de même : comment peut-on être sûr que les réserves en gaz de schiste sont suffisamment importantes pour engager ne serait-ce qu'une réflexion sur son exploitation ? A ce titre, l'US Energy Information Administration (US EIA), statisticien en quelque sorte de l'énergie, estime que les réserves potentielles de la France doivent être revues à la baisse. Ainsi, le bilan coût-avantage ne serait pas aussi positif que certains voudraient l'admettre.
Mais c'est surtout d'un point de vue écologique que le bât blesse, eu égard notamment à la méthode employée pour extraire le gaz de schiste, la très fameuse fracturation hydraulique. Extrêmement dispendieuse en eau – qui à haute pression sert à fracturer la roche dans laquelle se trouve le gaz –, cette méthode est de plus critiquée pour tous les agents polluants qu'elle laisse s'évaporer dans les sous-sols et dans l'air.
Un gain économique à revoir, une atteinte à l'environnement certaine, l'exploitation du gaz de schiste semble décidément être la fausse bonne idée des politiques. Même la création d'emplois suscitée et alléguée par Nicolas Sarkozy n'est pas aussi importante qu'il ne le dit. Et tandis que le gouvernement tente d'initier la France à la transition énergétique, il conviendrait peut-être de concentrer les efforts sur la diminution du nucléaire dans la production d'énergie, plutôt que sur un procédé dont on sait qu'il va à contre-courant des questions environnementales.