Parfois, le hasard fait bien les choses. Du 20 au 30 mars se déroulait le lancement de la semaine mondiale des alternatives aux pesticides et en même temps, est parue une large étude sur ce que coûte réellement l'utilisation de ces pesticides. Ce travail titanesque est à l'initiative de deux chercheurs de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). L'étude a été publiée au sein de la dernière édition de Sustainable Agriculture Reviews.
Selon ces chercheurs, aux États-Unis, au début des années 90, le rapport coûts/bénéfices des pesticides de synthèse était largement négatif. En effet, ils rapportaient 27 milliards de dollars par an, et coutaient au moins 40 milliards de dollars. Denis Bourquet, chercheur au Centre de biologie pour la gestion des populations (INRA, Cirad, IRD, SupAgro Montpellier) et co-auteur des travaux nous explique qu'il est vrai que l'utilisation des pesticides améliore la productivité de l'agriculture. Cependant, il précise que leur utilisation entraine également des coûts économiques très variés, peu étudiés et lorsqu'ils sont évalués, ils sont souvent sous-estimés.
Le peu de données à disposition n'a pas rendu possibles l'obtention de résultats pour la période actuelle. Les chercheurs ne peuvent qu'essayer de créer une analyse rétrospective, lorsqu'il y a suffisamment d'informations. Il est d'autant plus difficile de se faire une idée précise de ces données macro que certaines maladies d'aujourd'hui peuvent être le résultat d'expositions passées.
Des coûts cachés
Selon l'étude, il existe quatre catégories de coûts cachés, sanitaires, réglementaires, environnementaux et également les frais d'évitement. Les coûts sanitaires comportent les frais de santé, la perte de productivité des travailleurs. Les coûts environnementaux chiffrent les dégâts sur les services écosystémiques donnés par la nature comme par exemple la pollinisation ; les coûts réglementaires représentent les fonds publics pour réglementer et contrôler ces substances, ou encore assainir les eaux. Quant au frais d'évitement ils englobent les excédents de dépense des ménages qui choisissent une alimentation biologique, afin de minimiser le contact avec les pesticides.
Marion Desquilbet, chercheuse (INRA) à la Toulouse School of Economics (TSE), qui n'a aucun rapport avec l'étude estime que c'est un travail énorme qui ouvre une boîte de Pandore. Selon elle, les auteurs ont mené leur analyse de façon assez conservatrice sur plusieurs aspects, ils n'ont pas pris en compte les effets des pesticides sur les malformations congénitales, de la surproduction sur l'obésité, etc.