Pour sa troisième édition, le Forum ADEME des Innovations n’a pas failli à sa réputation. Événement incontournable des citoyens curieux, intéressés, voire engagés en faveur d’un avenir planétaire pérenne, il a été encore une fois le catalyseur de nouvelles idées et progrès en matière de développement durable.
L’humain, naturellement collectif
Pour sa troisième édition, le Forum ADEME des Innovations n’a pas failli à sa réputation. Événement incontournable des citoyens curieux, intéressés, voire engagés en faveur d’un avenir planétaire pérenne, il a été encore une fois le catalyseur de nouvelles idées et progrès en matière de développement durable. Avenir énergétique mondial, écologie, modes de comportement durables, consommation collaborative, étaient les exemples d’une liste non-exhaustive de sujets abordés lors de cette journée.
Un sujet qui interpelle
Parmi ces derniers, il y en a un qui fut l’objet de toutes les attentions. Ce sujet, ou plus précisément ce domaine de recherche, prend racine dans notre manière de ‘’vivre ensemble au quotidien’’. En effet, bien que l’on ne s’en aperçoive pas naturellement, notre vie est régie par des mécanismes sociaux invisibles qui font montre d’une intelligence aussi extraordinaire que surprenante.
C’est bien d’« intelligence collective » dont nous parlons. Et c’est au gré des explications d’un de ses spécialistes que le public a pu saisir les caractéristiques essentielles de cette science en devenir.
Passionné d’ingénierie sociale depuis de nombreuses années, Jean-François Noubel est le fondateur et actuel président du premier Institut de recherche en intelligence collective (IRIC). Ses premiers mots furent les suivants : « L’intelligence collective a à voir avec notre quotidien et possède une dimension sociale très forte ». On comprend d'emblée que loin des théories abstraites et inaccessibles, l’intelligence collective est bel et bien l’affaire de tous !
Mais par quels points essentiels peut-on l’appréhender ?
Le classement typologique est toujours un bon moyen de comprendre les rouages d’un concept. Pour ce qui est de celui qui nous intéresse, on en distingue quatre types qui se réfèrent à quatre modes de fonctionnement en collectivité de l’espèce humaine.
L’intelligence collective en essaim
Concernant ce type, l’individu a une très faible marge de manœuvre car le groupe prime. L’échangeur autoroutier en plein embouteillage est un bon exemple illustrant son existence. Malgré l’impression de désordre que l’on pourrait avoir, les conducteurs, s’organisent naturellement afin que chacun puisse aller au bout de son parcours sans accident.
L’intelligence collective originelle
Au contraire, dans le cas de l’intelligence collective originelle, l’individu possède une marche de manœuvre élevée. Pourquoi ? Car il sait exactement ce que « le tout », son groupe dans lequel il interagit, fait. Ce mécanisme est aussi appelé « holoptisme », et il a l’avantage de ne pas créer de dichotomie entre l’individu et le groupe. Un bigband de jazz illustre bien ce type d’intelligence collective. Le pianiste soliste, avec ou sans partition, connait à priori le thème de jazz joué et les musiciens qui vont interagir au sein de sa structure. Il va donc s’efforcer de ne pas empiéter sur le terrain sonore de ses partenaires dans le but conscient de participer à l’équilibre de sa formation. Si tout se passe bien, l’effet escompté, sera positif. Le groupe reste stable, ne souffre d'aucune disharmonie. Le désavantage de ce type d’intelligence, est qu’elle n’est rendue possible que dans le cas d’un petit groupe de personnes se côtoyant à une distance relativement faible.
L’intelligence collective pyramidale
Dominante dans nos sociétés actuelles, l’intelligence collective pyramidale a la capacité d’organiser les agissements d’un grand nombre d’individus. Son principe directeur : des dirigeants en haut de la hiérarchie sont seuls habilités à prévoir l’avancée des actions du groupe. Ils prévoient, transmettent leurs visions aux individus d’un niveau hiérarchique moins élevé, qui agissent en conséquence.
En soi, l’avantage de ce schéma d’interaction tient en sa capacité à conserver une certaine stabilité au sein d’un grand groupe d’individus. Une stabilité renforcée, si les dirigeants sont animés d’un véritable engagement civique pour la société qu’ils dirigent.
Néanmoins, l’histoire a montré que ce schéma pyramidal peut entrainer des dérives cruelles. En cause, certains dirigeants dont la vision s’est révélée néfaste pour le groupe dont ils étaient en charge. Autre problème, ce type d’intelligence centralise fortement les prises de décisions, ce qui ralentit la diversité des contributions sociétales. Des conflits apparaissent régulièrement entre aspirations des sphères exécutives, et aspirations de la société civile.
L’intelligence collective « holomidale » : l’avènement d’un modèle de société plus « harmonieux »
Considérée par les chercheurs de l’IRIC comme « une nouvelle forme d’organisation de notre espèce », elle témoigne d’une société où les individus communiquent constamment, partagent leurs connaissances, et ont la capacité de « synchroniser des actions et des projets complexes sans retomber dans les limitations de l’intelligence collective pyramidale et ses chaînes de commandement descendantes ». Aussi « les entités sociales de l’intelligence collective holomidale semblent posséder la capacité de conscience réflexive, d’auto-gouvernance, d’auto-actualisation, d’auto-évolution ».
Les exemples de ce nouveau mode de fonctionnement en collectivité ne manquent pas, et tendent à s’accroitre d’années en années : mobilisation de la société civile grâce aux réseaux sociaux, élaboration de software collaboratif grâce au système opensource, monnaies complémentaires locales, covoiturage, consommation collaborative, autosuffisance énergétique grâce aux énergies renouvelables, économie de partage, gouvernance collégiale, management durable… etc ! La liste est longue, prometteuse, et témoigne de l’avancée spectaculaire de l’état d’esprit portée par le concept de ''développement durable''.
« Dans ces nouveaux écosystèmes sociaux, l’énergie collective et abondante, jadis atténuée par l’autorité pyramidale, s’en retrouve libérée. Elle peut ainsi être utilisée pleinement, et à des fins d’autant plus vertueuses. Lorsque tout le monde sait que sa voix et son action comptent, cela développe l’envie de faire mieux, et pour tous », conclut Jean-Francois Noubel.
Conscients de ce nouveau mouvement de la société civile, on comprend aisément que les mentalités changent, et s’orientent dans une direction où la coopération de pair à pair est reine. Ces signaux de l’avènement d’une société dite plus « harmonieuse », ne trompent pas. Le rêve millénaire de coexistence humaine pourrait-il devenir réalité ? Une question dont la réponse dépend encore une fois de l’humain. Affaire à suivre avec grande attention…
Mathieu Viviani