Véritable coup d’état parlementaire, la destitution express de Fernando Lugo sert les intérêts des grands propriétaires terriens et des multinationales agro-industrielles. Complots et manigances ont rythmé la vie du pays, miné par la corruption et les inégalités extrêmes.
Monsanto et ses OGM ont-ils contraint le président paraguayen au départ ?
Véritable coup d’état parlementaire, la destitution express de Fernando Lugo sert les intérêts des grands propriétaires terriens et des multinationales agro-industrielles. Complots et manigances ont rythmé la vie du pays, miné par la corruption et les inégalités extrêmes.
Retour à la case départ
Ancien évêque porté au pouvoir par le peuple en 2008 après 61 années d’hégémonie des Colorados (le parti ayant soutenu la dictature du général Alfredo Stroessner), Fernando Lugo se voit contraint d’abandonner la présidence.
Premier homme de gauche appelé à gouverner le Paraguay, il incarnait l’espoir d’un véritable changement pour les millions d’habitants de ce petit pays sud-américain où l’économie reste sous contrôle exclusif des grands propriétaires terriens.
Accusé par le parlement de ne pas avoir exercé correctement ses fonctions à la suite d’affrontements entre paysans et policiers, « l’évêque des pauvres » a finalement été destitué.
Selon Idilio Méndez Grimaldi, journaliste membre de la Société d’économie politique du Paraguay (SEPPY), c’est en fait la timide réforme agraire initiée par Fernando Lugo qui lui a coûté son poste.
Derrière ce jugement expéditif, considéré comme une atteinte à la démocratie par la plupart des pays voisins, convergent les intérêts de trois acteurs tapis dans l’ombre : la multinationale Monsanto, l’oligarchie des grands propriétaires terriens et les dirigeants de l’église.
Embuscade ou machination ?
Pour le journaliste, les heurts survenus à Curuguaty, qui ont entraîné la mort de 6 policiers et 11 paysans, ont très probablement été orchestrés pour précipiter le départ de Fernando Lugo, dont le mandat allait prendre fin en avril 2013.
Difficile de croire que quelques paysans sans terre aient pu tendre une embuscade à un groupe d’intervention d’élite, dont la plupart des membres avaient été entraînés en Colombie dans le cadre de la lutte contre les insurgés. Parmi les policiers assassinés, se trouvait le frère du chef de la sécurité du président. Simple coïncidence ?
Ces revendications du monde rural pour une redistribution des terres n’étaient pas les seules menaces qui planaient sur les intérêts du lobby agro-industriel. Idilio Méndez explique que depuis plusieurs mois, Monsanto menait une véritable guerre de propagande pour obtenir l’approbation de deux semences de coton OGM, à travers la toute puissante Union des syndicats de production (UGP).
Pas d’impôts pour les rois des OGM
Face au refus de la part du Service national qualitatif et sanitaire des graines et végétaux (SENAVE) d’inscrire les OGM au registre des cultures autorisées, son directeur s’est vu accuser de corruption et de népotisme par le journal ABC Color, un média intimement lié à l’UGP.
En dernier recours, l’UGP a ensuite menacé d’appeler les propriétaires terriens à paralyser le pays, si le président n’était pas rapidement destitué par le parlement.
Tout porte à croire que l’oligarchie a récupéré le pouvoir et que les paysans sans terre ont perdu une bataille décisive.
Au Paraguay, 85 % des terres sont entre les mains de 2 % des propriétaires qui se contentent généralement de les louer. Le secteur agro-industriel pèse pour 30% du PIB (6 milliards de dollars annuels), mais les impôts fonciers ne représentent que 0,04% de l’effort fiscal, soit à peine 5 millions de dollars annuels.