L’Amazonie est, depuis plusieurs années, le théâtre d’un jeu du chat et de la souris entre les exploitants de bois et les autorités, représentées par les inspecteurs chargés de faire appliquer les lois sur la déforestation.
Quand l’Amazonie prend des airs de Far West
L’Amazonie est, depuis plusieurs années, le théâtre d’un jeu du chat et de la souris entre les exploitants de bois et les autorités, représentées par les inspecteurs chargés de faire appliquer les lois sur la déforestation.
Un des jeux préférés des madeireiros, comme on appelle les exploitants de bois au Brésil, consiste à éviter que leur matériel soit confisqué par la police. Les méthodes utilisées sont parfois dignes du Far West comme le montre un épisode récent. Un des représentants publics de la municipalité de Humaitá, dans la région d’Amazonas raconte :
Des camionnettes et des motos ont surgi de la forêt et nous ont encerclés rapidement. Il y avait entre 60 et 70 madeireiros. Tous armés, même si les armes n’étaient pas toutes visibles. Ici, tout le monde est armé, même les inspecteurs. Ils ne voulaient pas qu’on confisque leurs équipements. Ils nous demandaient de trouver un accord pour "éviter le pire".
A la frontière de l’État de Rondônia, Humaitá concentre une grande population indienne, les Tenharim. C’est à la suite d’une coupe illégale de bois sur les terres de la tribu que les inspecteurs sont intervenus. Mais les madereiros n’entendaient pas laisser leur matériel (2 tracteurs, 1 camion et 50 tronçonneuses) dans les mains des représentants de l’ordre.
A qui la garde?
La négociation portait sur l’identité du futur dépositaire du matériel. Car là-bas, les choses fonctionnent ainsi : quand des véhicules et des machines sont confisquées, quelqu’un doit se porter responsable de leur garde jusqu’à ce que la Justice décide de leur destination finale.
En théorie, ce dépositaire doit maintenir le matériel hors de portée des madeireiros. Cependant, si l’agent public n’est pas, disons, rigoureux, le propre propriétaire de l’équipement ou un de ses amis peut servir de fidèle dépositaire. Ainsi, dès que les inspecteurs tournent le dos, l’activité reprend son cours comme si de rien n’était.
Les madeireiros connaissent bien les règles du jeu. C’est pourquoi ils ont bloqué le petit chemin de terre qui se trouve être l’unique sortie vers la clairière où se trouvait l’équipe composée de huit fonctionnaires appuyés par huit policiers militaires. En d’autres mots, ils les ont pris en otage. Des Indiens Tenharim, qui avaient été désignés comme les dépositaires du matériel, se sont rendus sur place, mais ont été encerclés par un groupe fortement armé et menacés de mort.
Quatre décès
Au final, les madeireiros ont obtenu que le matériel soit emmené vers la base de l’Ibama. Une solution bien plus acceptable pour eux que de le laisser aux mains des Indiens ou de leur syndicat, le FUNAI, et qui leur permet même de le récupérer facilement et prochainement. Ravis de ce dénouement, les madeireiros ont célébré leur victoire par une grande fête, avec feu d’artifice et barbecue géant.
L’histoire récente montre que le face à face entre les inspecteurs et les madeireiros a connu des hauts et des bas. En janvier 2004, quatre fonctionnaires du ministère du Travail ont été retrouvés morts. Les accusés, les frères Antério et Norberto Mânica, grands producteurs de haricot, avaient reçu diverses amendes pour enfreindre le Code du Travail. Ceci n’a pas empêché Antério d’être élu et réélu maire de la commune après les faits. Personne n’a encore été jugé.