Biodiversité : 411 espèces de champignons menacées

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a actualisé, le 27 mars, sa fameuse Liste rouge mondiale. Et pour la première fois, les champignons y occupent une place de premier plan. Derrière l’annonce technique, une vérité alarmante : les champignons sont des piliers oubliés de la biodiversité, aujourd’hui menacés d’extinction. Invisible pour la majorité, leur disparition serait pourtant une onde de choc pour l’ensemble du vivant.

By Stéphanie Haerts Last modified on 15 avril 2025 17 h 57
Biodiversité : 411 espèces de champignons menacées
Biodiversité : 411 espèces de champignons menacées © Shutterstock

Champignons : des espèces menacées mais invisibles

L’annonce de l’UICN n’aura pas fait la une des journaux télévisés. Pourtant, 411 espèces de champignons figurent désormais parmi les taxons officiellement menacés d’extinction à l’échelle mondiale. Ce chiffre, déjà inquiétant, ne concerne qu’un échantillon très restreint : seulement 1 300 espèces ont été suffisamment documentées sur un total estimé à 2,5 millions dans le monde. Autrement dit, la majorité des espèces fongiques reste inconnue, et leur état de conservation n’a même pas été évalué.

Comme le souligne Grethel Aguilar, directrice générale de l’UICN, dans une déclaration publiée dans Libération : « Les champignons sont les héros méconnus de la vie sur Terre, au fondement même des écosystèmes sains et pourtant longtemps négligés. » Son appel est sans détour : « Il est temps maintenant de mettre ces connaissances en pratique et de sauvegarder l’extraordinaire royaume des champignons. »

Des causes d’extinction multiples et anthropiques

Les facteurs de disparition ne sont pas mystérieux : l’activité humaine est au cœur du problème. L’UICN pointe la croissance des zones agricoles et urbaines, la déforestation, les incendies liés au changement climatique, et la pollution azotée comme principales menaces. D’après les données relayées par Libération, 279 espèces sont affectées par l’expansion urbaine et agricole, et 91 autres par les rejets d’azote et d’ammoniac issus des engrais ou des moteurs à combustion.

Dans ce contexte, certains champignons emblématiques deviennent de véritables sentinelles de l’effondrement écologique. Le Tricholoma colossus, rare espèce forestière au large chapeau brun, est désormais considéré comme vulnérable après la disparition de 30 % des forêts de pins ancestrales en Finlande, Suède et Russie depuis 1975. Outre-Atlantique, le Gastroboletus citrinobrunneus décline dans les montagnes de la Sierra Nevada, son habitat compromis par la prolifération des incendies favorisés par le réchauffement climatique.

En France, une protection quasi inexistante

Le 3 avril 2024, l’Institut national du patrimoine naturel (INPN) a publié la toute première Liste rouge nationale des champignons en France, fruit d’un travail coordonné par le MNHN, l’OFB et l’UICN. Les résultats sont inquiétants, sur 319 espèces analysées, 12 sont jugées menacées et 16 autres quasi menacées. Et comme toujours, ce n’est que la partie émergée du mycélium : un quart des espèces évaluées sont classées comme « données insuffisantes », faute d’informations sur leur écologie, leur répartition ou leur évolution.

Ces champignons, principalement des bolets, lactaires et tricholomes, évoluent dans des milieux déjà fragilisés par l’exploitation humaine. Sylviculture intensive, conversion en terres agricoles, urbanisation, aménagements touristiques : tous participent à leur déclin. L’INPN avertit : « Le changement climatique entraîne des modifications des habitats en milieux frais et humides, et augmente la fréquence des tempêtes, des sécheresses et des incendies. » Et pourtant, aucune mesure spécifique de protection ne s’applique aujourd’hui à ces espèces. Pas un arrêté de protection, pas un plan national d’action. Malgré la perte de 90 % des champignons des prairies et pelouses en 70 ans, ces êtres vivants n’existent pas dans les politiques publiques environnementales.

Les champignons : oubliés de la conservation, essentiels à la vie

Comment expliquer cette indifférence ? Les champignons ne sont ni plantes, ni animaux. Ils forment un règne à part, souvent ignoré par les outils de gestion de la biodiversité. Pourtant, ils rendent des services écologiques irremplaçables : stockage du carbone, recyclage de la matière organique, symbiose avec les racines des arbres, résistance aux maladies agricoles.

Comme le rappelle un communiqué relayé dans Libération : « En perdant les champignons, nous appauvrissons les services écosystémiques et la résilience qu’ils fournissent, qui va de la résistance à la sécheresse et aux pathogènes dans les cultures ou les arbres, jusqu’au stockage du carbone dans le sol. » Ils sont aussi à la base de nombreuses innovations : alimentation, fermentation, médicaments, dépollution… Et pourtant, leur effondrement s’accélère dans une indifférence quasi totale.

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à la consommation, la finance, les technologies, l'énergie et l'éducation.