Frédéric Duval, directeur général d’Amazon France, a affirmé sur Franceinfo le 25 avril que « acheter sur internet est plus vertueux que d’acheter dans un commerce de détail traditionnel ». Cette déclaration relance un vieux débat. À l’heure où la question environnementale prend l’ascenseur dans les priorités publiques, savoir si acheter en ligne réduit vraiment notre impact écologique devient une interrogation majeure.
Environnement : acheter en ligne, vraiment moins polluant ?

Acheter en ligne : une empreinte carbone optimisée… sous conditions
D'après un rapport de l'Agence de la transition écologique (Ademe) publié en 2023, souvent cité pour soutenir les arguments du e-commerce, l'achat en ligne polluerait globalement moins que l'achat en boutique. Le principe est simple, lorsqu'un camion de livraison mutualise plusieurs colis sur un même trajet, les émissions de CO₂ par article chutent drastiquement. Ainsi, selon l'Ademe, prendre sa voiture pour parcourir 10 kilomètres et acheter une simple paire de chaussures triple votre empreinte carbone par rapport à une livraison standard à domicile. Quant à prendre le bus ou le métro pour faire vos emplettes, l'étude est formelle : cela reste plus polluant qu'une livraison optimisée.
Ceux qui croient sauver la planète en prenant le métro pour un achat unique se retrouvent en flagrant délit d'illusion écologique. Mais ne nous méprenons pas. Ce raisonnement vole en éclats au moindre recours au transport aérien. Si vos baskets débarquent par avion depuis Pékin, votre "achat vertueux" devient une catastrophe climatique. Selon l'Association internationale du transport aérien (IATA), 80 % des envois transfrontaliers d’e-commerce ont emprunté l’avion en 2021. De quoi doucher les ardeurs des acheteurs compulsifs du « made in world ».
Le piège des points relais et autres leurres verts
La livraison en point relais, souvent brandie comme l'alternative écologique par excellence, mérite une volée de bois vert. Selon l'Ademe, si vous faites 3 kilomètres en voiture thermique pour récupérer votre colis, vous gréviez lourdement le bilan carbone de votre achat.
En clair, sauf si vous pédalez fièrement jusqu'à votre point retrait ou que vous y allez à pied, vous transformez votre achat en un mini-drame environnemental. Et que dire des échecs de livraison, du suremballage outrancier, des retours systématiques de produits essayés sans conviction ? Chacune de ces pratiques gonfle l'empreinte carbone des commandes en ligne, au point d'annuler parfois tout avantage environnemental initial.
Commerce physique : pas si innocent, loin de là
Les chantres du petit commerce local oublient souvent un détail gênant : le transport des marchandises. Que vos chaussures soient vendues en boutique ou sur internet, il y a fort à parier qu'elles ont traversé la moitié du globe en cargo, en avion ou en camion. L'Ademe le souligne, l'étude ne distingue pas l'empreinte écologique du produit selon son canal de distribution.
Et oui, acheter en boutique des baskets "importées" n'est pas moins dommageable pour la planète que de les commander en ligne. La nuance, c’est la manière dont vous allez chercher votre produit : en voiture, en tramway ou sur votre vélo.
Acheter en ligne ou acheter en magasin : une fausse opposition ?
La réalité est autrement plus nuancée que le discours binaire qui oppose e-commerce et commerce traditionnel. « Acheter sur internet est plus vertueux [pour l'environnement] qu'acheter dans un commerce de détail traditionnel », a déclaré Frédéric Duval sur FranceInfo. Certes. Mais uniquement à condition que le transport aérien soit évité, que les tournées soient optimisées et que le consommateur soit raisonnable dans ses comportements (pas de retours abusifs, pas de commandes éclatées en dizaines de colis).
À l'inverse, se rendre à pied dans un commerce local, pour un achat raisonné, demeure la pratique la plus respectueuse du climat. Une évidence éclipsée par l'avalanche de publicités vantant la livraison « express », synonyme d’empreinte carbone explosive.