Très active lors de la conférence sur les changements climatiques, l’Union européenne a réussi à faire accepter aux grands émetteurs que sont les USA, la Chine et l’Inde, un accord global lié légalement au nouveau Kyoto. On n’a pas encore sauvé la planète, mais on a au moins sauvé la négociation.
Et ainsi l’Europe sauva Durban
La conférence de Durban sur les changements climatiques est-elle un succès ou un échec ? Les jugements dépendent beaucoup des attentes placées dans ce sommet. Une posture réaliste nous pousse à souligner le rôle actif de l'Union européenne au cours de complexes négociations. Le point positif est d’avoir réussi à faire accepter aux grands émetteurs que sont les USA, la Chine et l’Inde, un accord global lié légalement au nouveau Kyoto.
Le point de départ est bien de savoir quelles étaient nos expectatives. Pour ceux qui avaient des attentes limitées (ou simplement réalistes), après analyse de la crise économique mondiale, ainsi que des politiques américaine et chinoise, Durban a obtenu un bon résultat. Il ne faut jamais oublier que la négociation sur le changement climatique reste intrinsèquement extrêmement complexe pour divers motifs.
Le danger, tel que nous l’exposent l’IPCC (Intergovernamental Panel on Climate Change) et plus généralement les scientifiques, ne fait partie du périmètre électoral d’aucune administration. Cette observation peut sembler banale et obsolète mais le fait de savoir dépasser cette impasse demande de l’équité et une politique “intergénérationnelle “ qui, à son tour, demande du courage, une vision et un leadership, éléments qui ne sont pas monnaie courante en Europe et ailleurs.
Réalisme environnemental
Un des critères pour juger du succès de la conférence de Durban est de se demander si l’écart entre les discours et la réalité de la dégradation du climat s’est creusé, ou non, comme ce fut le cas à Cancún et encore plus à Copenhague. Mais cette fois, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a clairement annoncé qu’en 2011 la température globale moyenne fut la 10ème plus haute de l’histoire, et que la banquise arctique présentait sa seconde plus faible surface et son plus faible volume jamais enregistré. Dans son dernier rapport spécial, l’IPCC nous prédit des événements extrêmes : si la tendance actuelle n’est pas inversée, il faudra s’attendre à subir des inondations, des cyclones, des typhons, des vagues de chaleur et de sécheresse.
Certains éléments à Durban – la proposition claire de l’Union européenne, la “syntonie” de pays comme le Brésil avec l’UE, les dispositions encourageantes de la Chine envers un accord, contribuant à rendre les États-Unis moins récalcitrants – pouvaient laisser espérer une issue positive pour certains dossiers prioritaires, dont celui de la poursuite du Protocole de Kyoto (COP3) désormais arrivé à échéance. Les pays ont répondu en prolongeant de 5 ans les accords prévus même si le Japon, la Russie et le Canada ont déclaré ne pas vouloir adhérer à cette extension. Si la conférence s’était terminée sur ce seul résultat, il aurait été juste de la considérer comme un échec.
Manœuvres de dernière minute
Mais, alors que certains négociateurs avaient déjà embarqué sur leur vol de retour, l’UE réussit alors à monter une coalition des représentants des deux tiers des 194 pays présents, principalement des États de petites îles et des nations en voie de développement. Et dans les prolongations de la "partie", le dimanche matin, elle réussit à faire accepter aux grands émetteurs comme les USA, la Chine et l'Inde un accord global avec “force légale” lié au nouveau Kyoto. Quand l’espoir semblait perdu, le long travail en souterrain des négociateurs des principaux pays a trouvé un accord sur l’amorce d’un processus de négociation pour définir un traité global avec force légale, valide pour tous les pays qui adhèrent à la convention sur les changements climatiques.
Le nouveau processus est ainsi divisé en deux phases. Lors de la première sera rédigée et mise au point l’ébauche du nouveau traité avec l’objectif de le faire approuver d’ici 2015. Dans la seconde phase, le traité devra être ratifié par les pays pour pouvoir entre en vigueur d’ici 2020. C’est cette dilatation des étapes dans le temps qui ne plait pas aux organisations environnementales, qui jugent donc le résultat final comme un échec. Le nouveau traité devrait conduire à l’adoption d’un objectif absolu de réduction des émissions de la part des pays développés et d’un objectif d’efficacité pour les pays émergents.
Si nous constatons donc un succès certain pour l’Europe, après le fiasco et la marginalisation de l’accord de Copenhague, il reste à voir comment cette plateforme évoluera. Désormais, tout le monde se tourne vers la COP18 au Qatar et, en attendant, pousse un soupir de soulagement : on n’a pas encore sauvé la planète, mais on a au moins sauvé les négociations.