Olivier de Schutter, rapporteur des Nations Unies pour le Droit à l’alimentation, exige un débat sur la menace que les biocombustibles font peser sur la sécurité alimentaire lors de la réunion du G20 à Cannes les 3 et 4 novembre.
Les biocombustibles responsables de la crise des matières premières?
"Il est indispensable que le débat sur la sécurité alimentaire soit lié au problème des biocombustibles", tel est le souhait d’Olivier de Schutter, rapporteur des Nations Unies pour le Droit à l’alimentation, qui envoie un message direct aux leaders du G20 réunis à Cannes les 3 et 4 novembre, pour discuter de la menace que les biocombustibles font peser sur la sécurité alimentaire.
Le rapporteur considère le plan d’accord des pays du bloc bien trop faible, sans mesures capables de produire des aliments pour les futurs 9 milliards d’habitants de la planète à horizon 2050. Pour diminuer le prix des aliments et la course aux terres arables dans les pays développés, Olivier de Schutter explique que le G20 doit mettre fin aux subventions fiscales accordées aux biocombustibles.
La faim dans la Corne de l’Afrique, les faibles récoltes de l’Ouest africain et les pertes engendrées par les inondations du Sud-Est asiatique sont citées en exemples pour souligner l’urgence du combat contre la volatilité du prix des aliments et la réapparition de la famine. “Ceux qui ont faim ne peuvent pas attendre”, conclut-il.
Deux rapports sur la situation de la faim dans le monde pointent du doigt la demande de production agricole des biocombustibles comme un facteur important d’instabilité internationale des prix des aliments, qui aggrave la faim dans des zones vulnérables du monde, comme l’Éthiopie et la Somalie.
Des prix en baisse de 1960 à 2003
Le rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) mentionne les biocombustibles, la hausse de la consommation d’aliments dans les pays émergents, la croissance de la population mondiale et les changements climatiques, comme les facteurs prépondérants de la hausse de la volatilité des prix des matières premières agricoles.
“Cette volatilité fait que les petits agriculteurs et les consommateurs les plus pauvres sont de plus en plus vulnérables”, alerte la FAO. L’organe de l’ONU rappelle que les prix des aliments étaient en baisse depuis 1960 mais sont remontés à partir de 2003, dans une tendance de hausse qui s’est accentuée après 2006. On peut lire dans le rapport :
Les fortes hausses ont surpris beaucoup de gens, et ont engendré une préoccupation quant à la capacité de l’économie mondiale à alimenter correctement des milliards de personnes.
La demande de biocombustibles en forte hausse
Dans un autre rapport, l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) cite, parmi les facteurs évoqués, la chute du dollar, les crises climatiques - comme les sécheresses et les inondations, mais aussi les subventions à la production de biocombustibles et la spéculation financière des marchés. Il souligne en particulier le lien créé par les biocombustibles entre le prix des aliments et celui du pétrole, car la demande de biocombustibles tend à augmenter quand le baril de pétrole devient plus cher.
Certes, les marchés des aliments et des combustibles ont toujours été liés — à cause des coûts de l’énergie et du transport — mais la demande de biocombustibles génère aujourd’hui “un nouveau canal” entre eux, qui déstabilise encore plus le prix des aliments. La demande de biocombustibles devrait être multipliée par quatre d’ici 2035.
C’est pourquoi l’IFPRI suggère que, principalement aux USA et en Europe, les politiques de soutien soient révisées afin de minimiser l’impact des biocombustibles sur le marché alimentaire. Aucun de ces deux rapports ne traite directement de la situation brésilienne, où les programmes d’incitation à l’usage de canne à sucre et de soja pour la production d’éthanol et de biodiesel sont pourtant forts.
En août 2011, le gouvernement brésilien a annoncé des plans d’investissement de 2,5 milliards de dollars [1,8 milliards d'euros] pour augmenter la production d’ici 2015. Cependant, le Brésil est pour le moment épargné par les critiques puisque, entre 1990 et 2008, le taux de malnutrition y a diminué de 31,5%. Le pays apparaît ainsi dans les rapports avec une sévérité du problème considérée comme “faible”.
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