Les opérations policières et militaires de ‘libération’ des favelas de Vila Cruzeiro et Complexo do Alemão ont offert des images cinématographiques fortes, comme celles de la fuite, filmée par hélicoptère, …
Le ‘nettoyage’ des favelas, une réalité extérieure qui ne reflète pas ce qu’il se passe à l’intérieur
Les opérations policières et militaires de 'libération' des favelas de Vila Cruzeiro et Complexo do Alemão ont offert des images cinématographiques fortes, comme celles de la fuite, filmée par hélicoptère, de trafiquants traqués par des policiers jusqu’au fond de la forêt. Il n’aura pas fallu plus de 40 minutes pour que la police aille hisser le drapeau de l’État de Rio de Janeiro au sommet de la favela, lieu jadis stratégique pour les trafiquants et le contrôle de leurs 'opérations' dans toute la zone.
Les jours qui ont suivis ont été marqués par une série de captures de bandits et de découvertes de leurs trésors : des tonnes de drogues de toutes espèces, cachées dans des appartements au confort plus proche de celui des condominiums de luxe des quartiers riches de Rio que de leurs voisins des favelas. Le tout sous le regard des caméras de télévision et de policiers arborant de fiers sourires de satisfaction. Le début de la reprise en main de ces zones de non-droit par l’État pouvait enfin commencer.
Dans un premier temps, on assiste à une escalade de promesses : travail, réinsertion sociale, retour des ONG et des institutions publiques, traitement des déchets, rénovations des installations sanitaires… Mais, la ferveur des premiers jours passée, on se rend compte que les interventions publiques se font au compte-goutte, de façon partielle, avec des choix de priorité qui favorisent certains quartiers spécifiques ; une sorte de ciblage marketing de la reconstruction. On prend petit à petit conscience de la complexité d’une réalité qui apparaît sous un nouveau jour. Les habitants dénoncent des mauvais traitements, des vols et des violences physiques perpétrées par les policiers 'pacificateurs'. Les plaintes s’accumulent et les habitants se désolent de voir que rien ne va changer, policier ou bandit, c’est blanc bonnet et bonnet blanc.
Certains habitants dénoncent auprès des missions humanitaires des dizaines de morts - des marginaux - tués par la police qui abandonne les corps dans la forêt et en interdit l’accès. Ce sont des dénonciations graves, qui ne sont pas sans rappeler l’époque de la dictature et de ses corps disparus, durant laquelle les familles ne pouvaient enterrer leurs morts. Cela rappelle aussi les années passées sous le contrôle des caïds du trafic, la privation de liberté, les exécutions sommaires.
L’enthousiasme de la 'libération' des favelas est en train de laisser place au doute. Et si rien ne changeait ? Et si les habitants des favelas devaient encore une fois rester en marge de la société ?